Publié le 23/06/2021 par la Rédaction
On commençait à se demander si les 52 savaient vraiment ce qu'était "un animal de la ferme" après deux ans cloitrés derrière un écran. Allez savoir si aucun d'eux ne verra jamais une poule avant d'avoir son diplôme !
Mais malgré une pandémie mondiale et la fermeture des écoles, des collèges et des lycées, nos joyeux ignares pourront quand même patauger dans les bouses de vaches, cuire dans un tracteur sans clim’ et faire des semaines de 60 heures sans aucune rémunération. Oh joie ! Ils vont pouvoir mettre une première botte dans le monde crotté mais fabuleux de l’agriculture. On leur souhaite tout de même le plus grand courage pour passer 7 semaines à vérifier si l'agriculteur a bien planté des trèfles blancs et non des trèfles violets.
Entre deux bilans de rations et une traite nous nous sommes rendus sur leurs exploitations pour recueillir leurs premiers sourires dans ce magnifique bouquet d'odeurs.
Nous les avons souvent retrouvés en grandes eaux dans les tracteurs, tous contents de faire leurs premières leçons de conduite. D'autres nous ont montré avec émoi leurs chaussures de ville resplendissantes de la terre de la région. Mais ce que nous avons surtout constaté, c'est la détresse des agriculteurs en regardant leurs petits stagiaires. Nous les avons donc rencontrés pour discuter de cette expérience avec eux.
Monsieur Duchamps semblait dépité :
« Quand je l'ai vue arriver avec des escarpins, je me suis demandé si j'avais bien lu son CV ; elle avait normalement déjà fait du cheval. Mais j'ai surtout constaté qu'elle ne connaissait pas les animaux de la ferme quand elle m'a montré ma vache Pétunia, en me demandant quelle race de cheval cela pouvait être. Et le pire, rajouta-t-il, c'est qu'au bout de quelques traites, elle semblait avoir bien compris, alors je l'ai laissée se débrouiller… Quelle n'a pas été ma surprise quand je l'ai retrouvée en train d'essayer de traire mon taureau ! »
« Comment voulez-vous que je produise quelque-chose, mon stagiaire a tout arraché ! Alors que je lui demandais d'enlever les adventices de ma parcelle de blé, il a laissé toutes les mauvaises herbes et a arraché tous mes jeunes plants ! J'étais désespérée donc je l'ai envoyé labourer aux champs. Quelle erreur ! Il ne savait pas ce que ça voulait dire, alors il a massacré les jeunes plants de maïs du champ voisin ! Je ne sais plus quoi faire ! »
Nous avons fini dans la ferme de Monsieur et Madame Boisier où, à notre grande surprise, la stagiaire n'était déjà plus présente. Les deux agriculteurs nous ont tout expliqué : « Fin bon, le premier jour ça allait, elle semblait gentille et de bonne volonté, mais pas forcément très maligne. Le soir-même de son arrivée on était à l'hôpital : elle s'était coincé le poignet entre deux vaches qui ne voulaient pas passer à la traite ! Résultat : une fracture. Elle a insisté pour revenir le lendemain et elle a voulu nous aider à sortir les génisses. Elle a tenté sans succès d'arrêter une génisse qui faisait 7 fois son poids, elle s’est fait marcher dessus et le pieds a triplé de volume. On peut par contre lui reconnaitre sa détermination : là encore, elle nous a dit qu'elle souhaitait toujours rester. La pauvrette a loupé la première marche en rentrant, et s’est fait une entorse de la cheville ! L'école nous a conseillé de la renvoyer chez elle, ils devaient avoir peur qu'elle passe sous le tracteur.»
Décidément ! On dirait que nos futurs diplômés ne sont pas voués à une carrière agricole ! Et encore, on vous passe les émanchés qui ont tenté de faire voler les poules, ou bien ceux qui voulaient faire du fromage à base de lait d'émeu. Seul le lait de polygastrique est fromageable on a dit ! Malgré ces expériences peu reluisantes, ils seront bien assez fiers de vous montrer leurs péripéties quand vous les croiserez aux rattrapages de physique !
Lucile Gourdain